La péréquation se définit comme une répartition égalitaire de charges ou de moyens. Concernant les collectivités territoriales, ce terme désigne un mécanisme de redistribution des ressources. On parle aussi de péréquation territoriale.
La péréquation est un principe constitutionnel, depuis la révision du 28 mars 2003. Ce principe ne doit pas être confondu avec les grands principes budgétaires. Ceux-ci correspondent à des obligations de la part des collectivités. La péréquation a été constitutionnalisée au cours de « l’acte II » de la décentralisation, qui s’est déroulé entre 2003 et 2007. Cet acte II a introduit un certain nombre de règles relatives aux ressources des collectivités territoriales.
Plus précisément, la péréquation consiste à limiter les disparités de ressources entre collectivités par rapport aux charges qu’elles doivent supporter. En effet, les ressources et les charges dépendent de variables économiques, sociales, géographiques et démographiques. La péréquation prend donc en compte, d’un côté, les ressources dont dispose la collectivité. Par exemple, les ressources fiscales varient avec le niveau de richesse des habitants. De l’autre côté, on s’intéresse aux dépenses que la collectivité doit effectuer. Par exemple, les dépenses en matière sociale varient fortement selon la situation économique et démographique. Ainsi, des collectivités qui exercent la même pression fiscale sur leurs habitants ne seraient pas en mesure d’offrir le même niveau de service public. La péréquation permet de corriger, au moins en partie, cette inégalité.
En revanche, la péréquation n’a pas pour but de se substituer à la bonne gestion des finances locales. Elle ne peut donc pas compenser, par exemple, une augmentation des dépenses de fonctionnement injustifiée. C’est pour cela qu’elle prend en compte les charges de la collectivité, et non pas les dépenses constatées. La péréquation ne doit donc pas être une incitation à offrir des services inutilement coûteux, ou à limiter les efforts d’attractivité des collectivités.
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La péréquation permet de respecter deux grands principes de la décentralisation.
D’une part, elle assure à toutes les collectivités, même les plus défavorisées, les moyens de financer ses charges. La péréquation est donc nécessaire à l’autonomie financière des collectivités. Cette autonomie a été introduite dans la constitution en 2003, tout comme la péréquation. L’autonomie financière découle du principe de libre administration des collectivités territoriales. En effet, une collectivité ne peut s’administrer librement que si elle dispose de ressources suffisantes. Il faut aussi qu’elle puisse les utiliser selon ses propres décisions. Les sommes perçues au titre de la péréquation sont donc à la libre disposition des collectivités. Elles ne sont pas affectées, ce qui contreviendrait à l’universalité du budget, un des grands principes budgétaires.
D’autre part, la péréquation a pour but de favoriser l’égalité et la cohésion entre les territoires. La Constitution prévoit 3 formes d’égalité : entre les citoyens, entre les femmes et les hommes, et, à l’article 72-2, entre les collectivités territoriales. L’égalité entre les collectivités est une déclinaison de l’idée de justice territoriale. Cette dernière vise à assurer l’égalité de chaque individu quelle que soit sa position géographique. La cohésion, quant à elle, consiste à permettre le développement harmonieux des territoires. Elle ambitionne de permettre aux habitants de tirer le meilleur parti des caractéristiques de leur territoire. La péréquation n’est bien sûr qu’un volet de la cohésion. Celle-ci comporte par exemple des aspects de planification des aménagements et de coopération entre les territoires.
On distingue 2 types de péréquation : verticale et horizontale.
Le principal bénéficiaire de la somme des 2 péréquations est l’échelon communal (les communes et leurs groupements). Suivent ensuite les départements, puis les régions.
Le principal instrument de l’Etat pour assurer la péréquation est la Dotation globale de fonctionnement (DGF). Celle-ci est le plus important concours financier de l’Etat, avec 26,8 milliards d’euros en 2020.
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Pour chaque niveau de collectivité, la DGF est composée d’une part forfaitaire et d’une part de péréquation. Cette dernière correspond à 29% du total de la DGF en 2020, soit 8 milliards d’euros. Elle existe sous plusieurs formes :
La part forfaitaire de la DGF a aussi des effets péréquateurs, bien que ceux-ci ne fassent pas explicitement partie de ses objectifs. En effet, cette part est issue de la fusion de plusieurs dotations antérieures. Par exemple, en fonction de la surface de la collectivité, ou encore de la présence de parcs naturels. En outre, elle est « écrêtée » pour les collectivités ayant un potentiel financier particulièrement important. Les effets péréquateurs de la part forfaitaire sont même plus importants que ceux de la part dite de péréquation. Cela peut s’interpréter comme étant dû à une enveloppe trop faible pour la part de péréquation, au regard de la part forfaitaire. Une autre explication pourrait être un mauvais ciblage des dispositifs.
Les régions ne reçoivent plus de DGF depuis 2018, remplacée par une fraction de la TVA. La dotation de péréquation des régions, qui correspondait à la part de péréquation de la DGF des régions, a donc été supprimée. La péréquation s’effectue maintenant à travers la modulation de la fraction de la TVA reçue par chaque région.
Enfin, les régions et les départements financent des subventions en faveur des communes et de leurs groupements. Bien que ces subventions ne soient généralement pas incluses dans la définition de la péréquation horizontale, elles en ont en pratique les effets.
Pour la péréquation horizontale, chaque échelon a son propre fond de péréquation.
Le Fonds national de péréquation des ressources des régions et de la collectivité territoriale de Corse est le plus petit fonds en valeur. Il redistribue 0,2 milliards d’euros. Ces montants sont prélevés sur l’ensemble des ressources fiscales et assimilées des régions.
Le Fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux des départements (fonds DMTO) redistribue 1,6 milliards d’euros. Il a été profondément réformé en 2020, en fusionnant 3 anciens fonds. Il s’agit du fonds national de péréquation des DMTO, du fonds de solidarité des départements (FSD), et du fonds de soutien interdépartemental (FSID). Ce nouveau fonds est financé exclusivement par des prélèvements sur les droits de mutation à titre onéreux. Ceux-ci sont des taxes sur la vente de biens immobiliers. Ils font partie, dans le langage courant, des « frais de notaire ». On distingue 2 prélèvements pour alimenter ce fonds. Le premier est un prélèvement proportionnel et appliqué à tous les départements, qui représente environ 850 millions d’euros. Le second est progressif, et appliqué uniquement aux départements dont les DMTO/habitant sont supérieurs aux ¾ de la moyenne nationale. Il représente 750 millions d’euros.
Un autre dispositif existe au niveau départemental. Il s’agit du fonds de solidarité pour les départements de la région Île-de-France (FSDRIF), spécifique à la région. En 2020, il répartit 180 millions d’euros - contre 60 millions en 2018. Un mécanisme équivalent existe au niveau communal : le fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France (FSRIF). Ces 2 fonds visent à répondre aux disparités particulièrement fortes qui existent dans la région.
Enfin, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) redistribue 1 milliard d’euros. Ce montant est stable depuis 2016. Il correspond à environ 2% du budget des communes et intercommunalités. L’unité prise en compte par le FPIC est l’ensemble intercommunal (EI), constitué d’un EPCI à fiscalité propre et de ses communes membres. A défaut, le FPIC considère les communes isolées ne faisant pas partie d’un EPCI à fiscalité propre. Aujourd'hui, environ 45% des EI et communes isolées sont contributeurs. Il s’agit de ceux dont le potentiel financier par habitant est supérieur à 90% de la moyenne nationale. Le montant du prélèvement total de l’EI dépend du potentiel financier ainsi que du revenu par habitant. Les bénéficiaires sont identifiés en fonction du potentiel financier agrégé par habitant, du revenu par habitant, et de l’effort fiscal. Au sein de chaque EI, la répartition des prélèvements et des versements est décidée en fonction du coefficient d’intégration fiscale (CIF). Elle peut aussi l’être par un accord local.
Les sommes prélevées ou attribuées au titre de la péréquation sont calculées à partir d’un certain nombre d’indicateurs de ressources et de charges.
Pour les charges, on prend en compte, de manière générale, la superficie, la population, et la géographie (caractère urbain ou rural). Ces critères sont ensuite ajustés en fonction de compétences de chaque collectivité :
En ce qui concerne les ressources, les principaux indicateurs sont le potentiel fiscal et le potentiel financier. Plus récemment, le coefficient d’intégration fiscale et le revenu par habitant sont également pris en compte.
Un certain nombre de mécanismes de péréquation utilisent des seuils pour ces 2 potentiels. Si la collectivité dépasse ces seuils, elle doit être contributrice.